Pour moudre « la farine des cochons », nous nous rendions régulièrement au Moulin des Rivaux ; on empruntait alors le chemin des Quatre-vents et je demandais toujours quon me montre le lieu de ce fameux Crime des Rivaux ajoutez y la complainte de lodieux assassinat de la Forêt de Tronçais que ma mère connaissait par cur ! Javais alors six ans et pour moi, le meurtre datait dhier, et lassassin courait toujours la peur aussi !
En fait, il avait eu lieu dix ans auparavant, le 9 janvier 1926 : un garagiste de Moulins, M.Dumont, avait été tué dune balle de révolver par un jeune homme quil conduisait à St Amand. Le corps fut retrouvé sous un tas de branchages, non loin du lieu dit « Les Rivaux » dans le Chemin du Moulin de Bourimont ; la voiture y avait été abandonnée. Lenquête piétina, la piste Saint-Amandoise ne donna aucun résultat ; peut-être négligea-t-on un itinéraire de fuite plus sûr, par les chemins forestiers menant vers Urçay? Depuis, on a appris que le meurtrier avait réellement pris le train dans cette gare, nouvelle qui provoqua alors une peur durable dans la région.
Quelque temps après, le Juge dinstruction de Montluçon fit arrêter à Saint Louis du Sénégal, un homme de 26 ans, M.Durand (sur de fausses accusations, semble-t-il). Antécédents et indices peu favorables : vol chez une cartomancienne, absences durant la période du crime, vêtements reconnus par des témoins, possession dune carte de la région Hélas, devant le tribunal, la veuve, Mme Dumont, et des témoins ne surent reconnaître laccusé qui fut mis en liberté provisoire, puis sans doute acquitté ; notons que la comparution eut lieu en août de la même année, la justice ne traînait pas !
Des articles de presse attestent du retentissement de laffaire : les journaux parisiens, Le Journal, Le Matin, Le Temps, Le Gaulois, Le Petit Parisien, lHumanité même LEcho dAlger. On y relève la découverte dun portefeuille invraisemblable ayant appartenu à lassassin, des phares allumés puis éteints dans la nuit (le meurtrier ne savait pas conduire ?), un facteur ayant rencontré la victime près de la forêt le jour du crime, des gendarmes qui poursuivent activement leurs recherches, un individu répondant au signalement du bandit vu à Chantelle et à Voussac et tenant des propos bizarres, cherchant notamment un prêtre pour se confesser ! Et, pour terminer « LAvenir du Plateau Central » qui conclut : Durand na pas été reconnu par les personnes qui avaient vu lassassin.
Quant à la complainte que chantait ma mère, il doit y en avoir eu cinq ou six rédigées sur laffaire. Laquelle connaissait-elle ? Sur quel air La Paimpolaise, peut-être ? (on chantait les complaintes sur des musiques très connues). Lors des foires à St Amand, un chanteur-vendeur de partitions musicales sinstallait dans une ruelle perpendiculaire à la Rue Porte-Mutin on écoutait, on apprenait, on achetait (très peu). Toute complainte devait avoir une conclusion morale ; celle-ci, extraite de lune delles, aurait très bien pu convenir à ma mère :
Enfants vous noublierez jamais
Le crime de la Forêt de Tronçais !... Au diable mes peurs denfant !
Vous pouvez chanter le couplet figurant dans le bandeau sur lair de « La Paimpolaise » !
Un Grand Merci à M.Jean-François « Maxou » Heinzen, conférencier à Domérat (conférence magnifiquement chantée) qui sut me rappeler ces si lointains souvenirs.