Quand Saint Martin vint dans le pays, il renversa un temple et construisit à la place une église et un petit monastère où il installa plusieurs compagnons. Le monastère prospéra rapidement, mais les moines, s'étant enrichis, se relâchèrent peu à peu de leur règle et devinrent paresseux et gourmands. Quand Saint Mayeul convia tous les religieux du pays à venir entendre la bonne parole au prieuré de la Bouteille, ils furent les seuls à ne pas répondre à son appel.
La veille d'une fête de Noël, au lieu de jeûner et de se rendre à l'office
divin, ils se réunirent pour un profane réveillon. Lorsque vint minuit, la
cloche qui, d'ordinaire à cette heure, se faisait entendre pour appeler les
fidèles à la messe, se mit à sonner d'elle-même. Il y eut alors dans le
réfectoire un moment de silence et de stupeur; mais un des moines les plus
libertins prit un verre et s'écria
- Entendez-vous la cloche, mes frères, Christ est né, buvons une rasade à
sa santé !
Tous les moines répétèrent ses paroles, mais aucun n'eut le temps de boire; la foudre frappa le couvent qui oscilla sous le choc et disparut à une grande profondeur sous terre. Les paysans qui s'empressaient d'accourir à la messe, ne trouvèrent plus à la place du monastère qu'un grand bourbier d'où s'écoulait une source d'eau limpide, très bonne à boire, et qui, depuis, n'a jamais tari, même par les plus grandes sécheresses. Tous les ans, le jour de Noël à minuit, on entend distinctement les cloches sonner dans les entrailles de la terre; et si le temps est clair, on entend aussi les gémissements des moines qui se désolent de ne pouvoir répondre à cet appel, car ils sont condamnés à rester ensevelis sous terre jusqu'au jour où ils lui auront obéi.