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Naissance du mouvement associatif à Braize

La deuxième Guerre mondiale venait de se terminer ; notre village sommeillait toujours; il avait bien connu quelques « Bals clandestins » ... une séance de théâtre avait été organisée au profit de ses Prisonniers de guerre. Hormis les interminables belotes dans les cafés-il en existait encore deux à cette époque; Braize, comme tant de communes rurales, souffrait d'un manque visible d'animation...surtout d'animateurs !

C'est alors que trois jeunes gens, las des sempiternelles parties de cartes du dimanche, eurent l'idée de créer un Club de football. Il leur fallut rendre visite à chaque famille, expliquer, convaincre : on avait, bien sûr, besoin de joueurs, mais aussi d'un encadrement...en fait, de beaucoup de « bonnes volontés ».

Club Sportif de Braize

Nous nous retrouvâmes donc, peut-être une quinzaine, un dimanche après-midi, sur notre premier terrain « d'entraînement »...Etait-ce au printemps ou à l'automne 1947 ? ...en quoi consista cet entraînement ?...qui fut notre premier « coach »?...je ne suis même pas certain que nous disposions alors d'un vrai ballon de foot, plus sûrement d'une grosse balle en caoutchouc !

L'une de nos préoccupations premières fut la recherche d'une aire de jeu convenable ; la première, la plus éphémère, se trouvait à « La Cornille » face à la mare qui subsiste encore .Bosselée, exiguë, elle fut vite abandonnée au profit du « Stade des Planchettes », non loin du lieu où se déroule l'actuelle Foire aux ânes. Plus plat, plus sain, il présentait le défaut majeur de n'offrir que l'espace d'un demi terrain...avec un seul but !

Il fallait voir plus grand, sauf à se vouer à un perpétuel entraînement solitaire. Notre Président se résigna à réduire ses cultures et nous prêta un de ses champs, lui aussi situé à La Cornille, à droite après la mare, mais tout au bout d'un étroit chemin bordé de haies (très) vives. Plusieurs équipes éprouvèrent des difficultés à découvrir notre « Stade »

Cadastre Braize
Le C.S.B en quête de terrain

Et quel stade : un champ en pente, labouré il y a peu. Il fallut sacrifier quelques séances d'entraînement, et, pelle et pioche remplaçant le ballon, les consacrer au nivellement très approximatif de notre terrain qui, malgré ces louables efforts, ne nous valut que critiques de la part de nos visiteurs.

Autre détail matériel : la confection de nos buts ; ils furent constitués de troncs de merisiers dérobés dans le taillis du « Champ de balais »...il y a prescription ! Mais allez donc trouver des merisiers de 7 mètres de long...et droits si possible ? Un Club digne de ce nom ne pouvait se passer de vestiaires : nous décidâmes de construire une cabane avec armature de bois -toujours des troncs en provenance du taillis-elle fut bardée de petits fagots de genêts...une hutte en balais, en fait !

Nos équipements furent à l'unisson ; les chaussures à crampons n'apparurent que bien plus tard et les premières rencontres furent disputées en espadrilles, en chaussures de ville, voire en brodequins de travail. Pas de maillots non plus : quelle fierté quand on put exhiber nos équipements aux couleurs du C.S.B.

Couleurs du CSB
Les couleurs du Club Sportif de Braize

Après maints palabres, CLUB SPORTIF DE BRAIZE fut préféré à A.S.B...Bleu-roi à parements rouges et chaussettes bleu marine et rouge. Le gardien de but arborait un rutilant sweat jaune citron. Il fallut aussi acheter un ballon, un seul qui nous fut même temporairement dérobé...le maillot jaune citron aussi, je crois ! Imaginez les commentaires !

Parmi les fondateurs du C.S.B, je ne citerai que son premier Président, M.René Babillot, exemple même de ces personnes dévouées et désintéressées qui participèrent à la création et au développement des associations dans ces petites communes....avec quels moyens ?...quels exemples ?...quelle formation ?

Il faut bien aussi parler sport...admettons que nos débuts furent, pour le moins, laborieux. Deux seuls d'entre nous avaient, disons « couru après un ballon » et nos premières séances d'entraînement demeurent de grands moments de football ! Les seules notes positives vinrent de notre application et de notre ténacité...quant à la technique ? Collectivement, elle se résumait à cette consigne implicite : « tous sur le ballon » d'où des envolées de joueurs qui allaient laisser des trous béants dans notre défense. Individuellement, malgré une persévérance exemplaire (les entraînements se prolongeaient souvent fort tard), les progrès tardaient à se manifester et notre maladresse entraîna quelques accidents musculaires ...et également quelques défections parmi les moins motivés.

L'équipde du C.S.B. en 1948
L'équipe du C.S.B. en 1948

Notre premier match « officiel » eut lieu à Ainay le Vieil, un adversaire peu coté, à notre portée semblait-il. Nous y fûmes humiliés neuf buts à zéro; même cette modeste équipe était trop forte pour nous.

Des équipiers désorganisés sur le terrain, se précipitant, telle une volée de moineaux, vers le ballon...un gardien dégageant derrière ses buts (les chaussures !), les quolibets des rares spectateurs, notre équipement disparate...Il y eut d'autres déplacements, tout aussi désastreux : Marçais,Thaumiers,Meillant...déplacements effectués « à bicyclette » et tenant lieu de séances d'échauffement ! Mais le Stade de La Cornille était fin prêt

La première rencontre à domicile eut lieu contre la réserve de nos voisins d'Ainay le Château...mêmes causes, mêmes résultats, avec en prime des remarques peu amènes concernant notre terrain et un commentaire désobligeant du correspondant castelnaisien dans le journal local, mentionnant « notre jeu enthousiaste mais fort rudimentaire ».

Affiche de match

Il en fallait plus pour nous décourager et nos interminables séances d'entraînement reprirent de plus belle. Le C.S.B connut des hauts et des bas, avec une large majorité de bas, reconnaissons le.

Mais le pire était à venir : à la rentrée 1948, une autre association allait voir le jour, le Foyer Rural de Braize...avec des activités moins athlétiques et qui détournèrent du sport quelques uns d'entre nous.

La « marque C.S.B » se maintint, avec de larges périodes d'inactivité...c'est alors que deux joueurs eurent envie de voir d'autres cieux. Oh, pas l'Europe, simplement Ainay le Château et son équipe B !...ce qui donna lieu à un nouvel article mémorable, conservé précieusement avec le premier dans les archives d'un ancien joueur, article fustigeant « les transfuges partis vers un autre club, dans l'espoir d'y cueillir des lauriers illusoires... »

Une tradition fut tout de même maintenue : l'organisation du Tournoi de Sixte annuel, avec, en point d'orgue, en 1951, la participation d'une équipe du 92ème régiment d'infanterie dont une compagnie était stationnée à Montluçon, équipe dans laquelle figuraient 2 joueurs vedettes de l'A.S . St Etienne de l'époque.

On peut y ajouter un autre souvenir sportif « international », la rencontre avec l’équipe de l’Ecole forestière d’Edimbourg qui effectuait régulièrement un stage en Forêt de Tronçais en fin d’année scolaire… Malgré leur formation de rugbymen, ou plutôt, grâce à cette formation, ces gaillards ne laissèrent guère de chances à notre équipe outrageusement dominée « tant du point de vue physique que technique » ! On vient de retrouver une photo d’époque.

L'équipe de l'Ecole forestière d'Edimbourg
L'équipe de l'Ecole forestière d'Edimbourg

Le foyer rural de Braize

Vint alors « l'âge d'or » du FOYER RURAL DE BRAIZE ; sa création officielle date de février 1949 et son Président fondateur fut M.Guy Vazeilles. Ses activités se déroulèrent d'abord dans les locaux de l'école et ne m'ont guère laissé de souvenirs.

Par chance, à Tronçais, les anciens baraquements des « Chantiers de Jeunesse » se démontaient un à un, pour être attribués aux associations des alentours. Notre Foyer obtint celui qui avait abrité l'infirmerie du Camp. Il fallut démonter, trier, transporter puis ré- assembler les éléments du bâtiment.

Foyer rural de Braize
Le foyer rural de Braize en 1957

Les bonnes volontés ne manquèrent pas et les divers attelages de la commune participèrent peu ou prou au transport. Là encore, les souvenirs me font défaut ; mais la tâche s'avéra délicate, à commencer par les fondations...par souci d'économie, on décida d'utiliser d'énormes blocs de pierre pour soutenir le plancher de notre futur local, installé près de l'emplacement de l'actuel Monument aux Morts. Notre association s'étoffa, offrant des activités plus variées...et puis nous possédions une « Salle de spectacle », glaciale en hiver il est vrai !

C'est alors qu'à la rentrée 1953, en même temps que ma nomination à l'Ecole de Braize, je reçus (un peu) ce Foyer en héritage...Non pas que j'en fus le responsable, mais notre Inspecteur primaire attachait beaucoup d'importance à ces activités périscolaires ; et, en ce temps là, ce que conseillait M. l'Inspecteur ... !

L'enthousiasme des bénévoles des premières heures faiblissait et la relève tardait à se manifester : mobylettes, motos ou autres scooters conduisaient les jeunes vers d'autres centres d'intérêt...les activités du Foyer devinrent prenantes. Elles paraîtraient sans doute dérisoires maintenant ; pourtant une bonne partie des habitants de la commune nous soutint fidèlement

Le voleur de bicyclette

Il y avait les séances de cinéma : chaque quinzaine, à la mauvaise saison, nous devenions projectionnistes. Les films étaient empruntés à la Cinémathèque de Clermont-Ferrand : Le Voleur de Bicyclettes, objet d'un commentaire très pertinent de la part d'un pensionnaire de ce qui était alors « la Colonie familiale d'Ainay le Château », Fanfan la Tulipe notre premier film en couleurs, Le Gardian qui fit pleurer nos spectatrices amoureuses de Tino Rossi...

En décembre, commençaient les répétitions théâtrales ; le spectacle était proposé fin février et les applaudissements suffisaient à peine à compenser la fraîcheur de la salle.

La troupe d'acteurs aguerris, mais que l'apprentissage de leur texte rebuta toujours (le « souffleur » en conserve des souvenirs émus) se réduisait régulièrement et se mit en sommeil après le décès d'un de ses membres, victime de la « Guerre d'Algérie ». Son répertoire ? ...mieux vaut l'oublier ; lors d'une de ses visites M. l'Inspecteur conseilla « une légère amélioration culturelle ». Labiche fut donc découvert par les Braizois avec « Les trente sept sous de Monsieur Montaudoin »...timide amélioration en effet, mais la télé arrivait !

Théatre du foyer rural Théatre du foyer rural
Théâtre du foyer rural de Braize

Les enfants des écoles participaient aussi à la représentation : ils jouèrent, chantèrent, dansèrent « la polka piquée »...l'essentiel étant que tous les élèves paraissent sur scène. Quelques uns d'entre eux, grands parents aujourd'hui m'en narrent des péripéties cachées que j'avais ignorées jusqu'alors !Reconnaissons que ces spectacles attirèrent toujours un public fidèle...et indulgent.

Théatre scolaire à Braize
Théâtre scolaire à Braize en 1957

Le Foyer Rural organisait fréquemment des bals, avec un handicap majeur : le plancher de notre baraque, constitué de panneaux disjoints, ne se prêtait guère à de gracieuses évolutions : on nous traînerait maintenant devant la justice pour talon aiguille cassé ou cheville foulée. Deux solutions : inventer de nouvelles danses ou changer le parquet ; le responsable des Eaux et Forêts (l'O.N.F d'alors) nous offrit quelques pins en fin de vie. Le bel enthousiasme des débuts se renouvela : on abattit, on transporta, on débita ; le menuisier de St Bonnet nous prêta gracieusement ses machines pour raboter nos planches. Les veillées de quelques bricoleurs persévérants furent consacrées à la pose ; ce ne fut pas un chef d'œuvre, mais le résultat dépassait nos espérances. Ces efforts demandèrent une inauguration...jusque là, les orchestres locaux et leurs modestes cachets faisaient largement notre affaire. Il y eut débat : nos fonds de réserve étaient bien minces et des musiciens plus réputés risquaient de les mettre à mal ; ce fut pourtant l'option retenue, on fit appel à l'orchestre Max Lamy, l'un des plus renommés de la région. Et ce fut le succès : plus de 400 entrées, une manne à l'époque...là encore, il y a prescription quant au chiffre officiellement déclaré.

Nous touchons au but : notre Foyer était « Rural » et ses gains devaient avoir une finalité, le bon sens l'exigeait. Et bien l'aboutissement, c'était le voyage annuel.On pourrait en sourire maintenant alors que j'entends mes anciens (et toujours) compatriotes braizois me conter les Antilles ou Toutankhamon...mais en 1950, aller à Paris, à la Mer, ne serait ce qu'aux Gorges de la Sioule ou à Vichy constituait un événement !

Les voyages du foyer rural
Les voyages du foyer rural

Les Braizois découvrirent La Rochelle, le Mont Blanc, l'Alsace, Arcachon, et Paris, bien sûr...enfants des écoles, parents et membres du foyer réunis Les souvenirs des préparatifs et du déroulement de ces excursions demeurent l'objet de commentaires et d'interminables fous rires

Il faut dire que notre troupe avait une allure plutôt « rustique » et ne passait pas inaperçue. Alors que nous descendions du 2ème étage de la Tour Eiffel, un Parisien s'enquit finement : « Mais d'où venez-vous donc ? », s'attirant cette réponse fort pertinente : « Ben de là-haut, pardi ! »

Le foyer rural de Braize en 1975
Le foyer rural de Braize en 1975

Séquence nostalgie

Le Club Sportif et le Foyer Rural de Braize ont depuis lors connu d'autres péripéties ; les journaux, les appareils photos et autres camescopes permettront sans doute d'en conserver des traces plus précises que celles de mon témoignage.

Après cet exercice de rédaction, j'ai voulu revoir les lieux de ces exploits : la baraque du Foyer a depuis longtemps été remplacée par une « Salle Polyvalente »...et nos terrains numéros 1, 2, 3...même le petit chemin encaissé qui y menait ont été emportés par un remembrement forcené.

Séquence nostalgie

Jean-Jacques Martin