Le Tour en Forêt de Tronçais, pourquoi pas ? Un très beau
cadre, une dernière étape contre la montre idéalement placée, juste avant
l'arrivée à Paris. On en parlait depuis très longtemps mais cela faisait
quatre-vingt dix-huit ans que la Grande Boucle persistait à passer à côté.
Et puis, la rumeur courut, stupéfiante: oui, le Tour passera dans la forêt de
Tronçais, à Braize même, pour faire étape à la "Cité de l'Or" de Saint-Amand.
La confirmation officielle fut apportée par la DDE de Cérilly, l'étape aura
lieu le vendredi 27 Juillet et sera la dernier contre la montre individuel de
l'épreuve. Le trajet final était arrêté, l'épreuve passera à Baignereau,
devant la maison !
Nos routes n'en revenaient pas ! Quelle toilette : les bas-côtés tondus à ras, les arbres élagués, les fossés nettoyés ! Et puis le pays de Tronçais qui était jusqu'alors superbement ignoré par les opérateurs de téléphonie mobile se retrouva progressivement couvert. La famille se rassembla à Baignereau le jeudi et retrouva le calme habituel du lieu, bien loin de l'animation prévisible à la veille d'un tel événement.
Mais le calme n'était qu'apparent et tous les alentours se préparaient pour l'événement. "Les routes forestières proches de l'Etang de Saint Bonnet sont déjà saturées de voitures" nous dit-on. De même, le trajet de Saint-Amand à Braize à des allures d'Alpe d'Huez tant les camping-cars hollandais et nordiques forment une haie continue.
Au village de Braize, nos compatriotes rivalisent d'imagination et d'ardeur dans la décoration de leurs maisons. Chacun essaie de trouver le "petit truc" original qui fera stopper la caméra.
Nous nous mettons à l'ouvrage, la soirée est déjà bien avancée mais qu'importe; les bicyclettes d'enfants se couvrent de guirlandes, on manque même de papier crépon. Dur, dur de peindre un Panda Jalabert sur un vieux drap.
Quelle nuit ! Un défilé continuel des véhicules de l'épreuve ou des supporters en quête de places stratégiques; les camions de la DDE au petit jour et pour parachever la sécurisation du parcours, on dépose des gendarmes au moindre carrefour.
Arrive le moment le plus coloré de l'étape et certainement le plus apprécié par les enfants : la caravane publicitaire. Tous les partenaires de la Grande Boucle défilent dans une ambiance festive et sous les acclamations des spectateurs (malgré le regard circonspect de certains devant les voitures-bouteilles Aquarel).
Notre parking devient un lieu privilégié pour attirer l'attention des suiveurs de la caravane publicitaire : les paniers des petits enfants se remplissent de porte-clefs, de stylos, de cartes à jouer, de satellites Astra, de bonbons, de "machines à faire du bruit"et autres gadgets que l'on retrouve régulièrement dans les vide-greniers locaux depuis. Trop privilégié même, des squatters armés d'épuisettes viennent contrarier notre cueillette.
Mais l'ambiance du Tour est bien présente : on échange ses souvenirs "Bobet dans le Col de l'Izoard, Walkowiak, notre Héros local, et puis Vietto, le préféré de Papy. Vietto, c'est qui ? Le Moyen-âge ?"
On encourage les premiers coureurs, malgré leur manque de notoriété. L'enthousiasme faiblit quelque peu au moment de la pause casse-croûte qui ne s'éternise pas ! De toute façon un nouveau coureur est annoncé toutes les deux minutes et tout le monde se lève pour l'encourager.
Il ne manque que le régional de l'étape, qu'à cela ne tienne. En regardant la liste des engagés, on trouve un Emmanuel Magnien qui fera l'affaire. Peut-être s'est-il demandé plus tard pourquoi il avait été tant applaudi devant une maison de Braize malgré son modeste classement.
Les vedettes commencent à arriver. L'australien Stuart O'Grady d'abord, qui se bat courageusement pour garder son maillot vert âprement convoité par Eric Zabel. Malheureusement pour lui, il devra céder sa tunique à l'allemand à l'arrivée sur les Champs-Elysées.
O'Grady, en vert pour quelques heures encore
Une rumeur venue de l'orée de la forêt enfle, enfle, signalant l'approche du maillot à pois de Laurent Jalabert. Le voilà qui passe devant notre Panda, qu'il a tout le temps d'admirer. N'ayant plus rien à gagner ou savourant l'un de ses derniers tours, il adopte un rythme de sénateur du Poitou. Il sera très loin au classement de l'étape.
Et puis c'est au tour de l'impressionnante armada des ONCE. Ceux-là sont facilement identifiables avec leur maillot, chaussures et chaussettes roses qui les font ressembler à des flamants. D'ailleurs, Auriane encourage chaque coureur de cette équipe en levant un pied.
Voici maintenant les premiers de l'épreuve : Didier Rous, le champion national, François Simon, premier Français, puis Kivilev et Béloki à la lutte pour la troisième place du classement général.
Le champion de France Didier Rous
Arrive ensuite Ulrich, suivi de très près par Armstrong. L'hélicoptère fait du sur place au-dessus de Baignereau : ça-y-est, on doit passer à la télé ! Malheureusement non : c'est juste le moment qu'a choisi Vinokourov (kazakhe rose) pour se présenter sur la ligne d'arrivée à Saint Amand et pour nous priver d'antenne ! Ce sera notre seule déception de la journée.
Voilà, l'étape est terminée. Sans surprise, le texan a dominé ses adversaires et remporté une victoire sans contestation possible, ni suspicion ! Armstrong est vraiment sur une autre planète.
Le Tour de France s'en est allé, l'orage peut enfin éclater ! En quelques
minutes nos routes sont propres et rendues à la circulation, fait remarquable
après un tel rassemblement de personnes. La vision de la cassette de l'étape
nous permettra de mesurer l'engouement populaire, sans équivalent pour notre
région.
Les inscriptions sur notre petite route nous rappelleront pendant encore
quelques années le passage de nos champions.